mardi 24 septembre 2019
Point sur le projet de transformation de la Gare du Nord
Accessibilité, préservation du patrimoine, place accordée aux commerces : dans une interview aux Echos, Aude Landy-Berkowitz, Présidente du Directoire de StatioNord revient point par point sur le projet de transformation de la Gare du Nord.
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Un collectif d'architectes et d'urbanistes dans les colonnes du « Monde », un philosophe dans celles des « Echos » s'en sont pris récemment à votre projet de rénovation de la Gare du Nord. Comment expliquez-vous ces soudaines attaques ?
Tout grand projet appelle un débat, et suscite des critiques. C'est normal. Ce qui est surprenant, en l'occurrence, c'est que ce débat a déjà eu lieu. D'abord, porté par la SNCF en 2017, avant même le lancement du concours auquel 5 opérateurs ont répondu, dont Ceetrus ; puis au travers de la concertation publique avec les territoires, à laquelle ont été associées la ville de Paris et la mairie du dixième arrondissement. Il y a probablement plusieurs facteurs à ces prises de parole, liés au passage le 10 octobre en commission nationale d'aménagement commercial du dossier pour autorisation, aussi au contexte préélectoral des municipales de mars 2020. On peut entendre les critiques, mais encore faudrait-il que ceux qui les profèrent connaissent le projet. Or, il y a dans ces tribunes beaucoup de contre-vérités.
Les opposants disent notamment qu'il va considérablement compliquer le parcours des voyageurs…
C'est complètement faux ! La gare actuelle a été conçue pour recevoir 500.000 voyageurs par jour, or elle en voit déjà passer 700.000, avec des projections à 800.000 en 2024 et 900.000 en 2030. On est dans l'embouteillage humain ! Le cahier des charges de la SNCF était précisément de régler ce problème de saturation, et notre projet y répond. Aujourd'hui, les flux de voyageurs vont dans tous les sens. Demain, il y aura un flux sortant à l'arrivée des trains et les voyageurs entrant seront guidés vers le terminal départ à l'étage, avec un doublement des escaliers, escalators et ascenseurs. 70 % des 700.000 voyageurs par jour arrivent du métro ou du RER, donc des sous-sols. Notre projet leur permettra d'aller plus vite des sous-sols aux étages de la gare de surface. Le flux sera amélioré et le temps de parcours pour accéder à son train raccourci. La surface utile pour les voyageurs (circulations et zone d'attente assise) sera doublée de 30.000 à 60.000 m2.
Mais vos détracteurs disent que trop de place sera accordée aux commerces…
Sur les 60.000 m2 créés pour les activités connexes de service, l'essentiel des surfaces ira aux bureaux, aux espaces de co-working, aux loisirs, à la culture et à la restauration. Le commerce n'occupera que 18.000 m2, ce qui est peu rapporté aux autres gares parisiennes, Saint-Lazare en ayant 13.000 m2 pour environ 300.000 voyageurs par jour, Austerlitz 18.000 m2 pour moins de 100.000 personnes. Le voyageur, l'utilisateur, le riverain, le Parisien qui passent par la gare, ils peuvent avoir envie de faire autre chose que de prendre le train. Il ne s'agit pas d'imposer un parcours comme chez une célèbre enseigne suédoise. Ceux qui écrivent cela ne connaissent par notre plan de circulation ! Dans la future gare du Nord, il y aura plusieurs choix possibles, soit d'accéder directement aux trains dans un temps minimal, soit pour les voyageurs arrivés en avance et les passants d'avoir accès à différents services.
Pour autant 18.000 mètres carrés de commerce, cela ne risque-t-il pas de créer un déséquilibre au détriment du quartier ?
En fait, ces 18.000 m2 recouvrent plusieurs types de commerce : 2.500 m2 sous douane, puisque la gare du Nord est une gare internationale ; 3.000 m2 de commerces existants ; 5.000 m2 de commerce de services de gare (les Relay, la billetterie…). Au final, il reste 8.300 m2 de commerce ouvert à la ville en complément de l'offre commerciale du quartier, et cela au-dessus des étages destinés au transport. On y travaille avec la ville de Paris et la mairie du dixième et il n'y aura pas de création de grande et moyenne surface alimentaire. En outre, les riverains auront accès à un parc d'un hectare cent dans un arrondissement où il n'y a quasiment pas d'espaces verts, à des équipements sportifs et culturels. La future gare du Nord sera la première gare éco-citoyenne.
La gare du Nord, c'est aussi un patrimoine architectural qu'abîmerait ce projet, disent toujours ses opposants…
C'est un contresens ! L'architecte Denis Valode est très soucieux du patrimoine. Il est d'ailleurs le premier à s'être exprimé en faveur d'une reconstruction à l'identique de Notre-Dame de Paris. Tout son projet repose au contraire sur la mise en valeur du hall Hittorff, du nom de l'architecte. C'est la façade historique sur le parvis. Il remet aussi en valeur la façade historique intérieure.
La passerelle métallique actuelle sera démontée pour magnifier son architecture. La grande verrière elle aussi sera à l'honneur. Les futures passerelles, très légères, ont été conçues en concertation avec l'architecte des bâtiments de France et les conservateurs des Monuments historiques qui ont validé le projet sans observation. Par ailleurs, si on démonte en effet une petite halle en verre faite en 2001, obsolète au regard de l'intensité des flux aujourd'hui, on respecte le patrimoine historique qui lui est classé.
En outre, cette petite halle sera repositionnée sur un site à définir, dans la continuité finalement de l'histoire de la gare du Nord puisque Hittorff a lui-même démonté la façade existante à l'époque pour en faire celle de la gare de Lille Flandres. Cela va dans le sens de l'histoire, pas dans celui du corporatisme d'une profession… Le flanc Est de la gare sera un véritable hub de mobilité où les gens pourront choisir de prendre le train grandes lignes ou internationales, le métro, le RER, le bus ou un des 2.000 vélos de la vélostation.
Enfin, les détracteurs du projet dénoncent une privatisation de la gare…
C'est un procès d'intention dogmatique. Il ne s'agit pas d'une privatisation puisque StatioNord, société d'économie mixte à objet unique, une première pour la SNCF qui en détient 34 %, a obtenu une concession de 46 ans. Une durée qui est aussi gage de pérennité et d'engagement de Ceetrus qui investit 600 millions d'euros pour financer cette nouvelle gare, et ce sans augmenter le prix du billet de train ni avoir recours aux deniers publics. En outre, StatioNord a pour vocation de n'exploiter que les espaces ne relevant pas du service public ferroviaire.
Quel est maintenant le calendrier du projet ?
Après le passage devant la CNAC, nous pourrons obtenir le permis de construire et démarrer les travaux début 2020 pour être fin prêt pour les JO de 2024, ce qui est indispensable puisque 80 % des supporteurs passeront par la gare du Nord. On n'envisage pas que ce calendrier puisse être remis en question car il s'agit d'un sujet d'intérêt général.
Antoine Boudet